Quelques vacances de mes pensées en repérages.
Je vais à Ouaga pour 3 semaines. Oui, il fait chaud, bien sûr je vais aussi voir des amis, oui oui je boirai quelques bières, mais non, je ne suis pas en vacances. En tournage ? Non, repérages pour le moment. Ah…
Ce n’est pas une blague, je travaille activement chaque jour de la semaine, pour faire progresser mon prochain docu. Je repère donc, puisque c’est comme ça qu’on dit. Repérer ? Je repère quoi, ou qui ? Tiens, je t’ai repérée autorisation de tournage, viens donc ! Et pourquoi pas repérer mon intention ? Pourquoi ne dit-on pas : « je vais en progression ». Simplement parce qu’on ne progresse pas toujours. En y réfléchissant, le mot n’est peut être pas si mal choisi…
À l’université de Ouaga, lieu désormais si familier pour moi, il m’arrive encore de tourner en rond. Non que j’erre sans idée à la recherche d’un sujet qui tomberait du ciel, mais je cherche la manière de m’y prendre. Non, en réalité, je crois savoir assez précisément ce que je cherche, et je crois même assez certainement avoir une idée tout à fait exacte de ce qu’il me faudrait encore préciser. J’en suis parfois tellement convaincu que je cesse de tourner en rond pour aller nulle part, et je m’assois ici n’importe où pour crayonner sur mon calepin. En général, lorsque cela se produit, c’est pour y inscrire une succession de questions et de doutes trèèès compliqués, dont l’expression assumée renforcera mon sentiment de ne pas en avoir. « Comment mettre en scène la poussière ? » « Mon personnage révèlera-t-il mes tourments métaphysiques ? » « Dieu aura-t-il une place dans l’arc narratif de l’oncle ? » « Qui est Je dans le film ? » « Est-ce que la métonymie de… merde, ça veut dire quoi déjà métonymie ? » Je m’enfonce vers l’abîme du documentariste en détresse méta-filmique aigüe, lorsqu’une voix venue du ciel me sauve. « C’est un journal ? – Ah, euh non… j’ai un projet documentaire – Ah bon ! Sur quel sujet ? – Et bien, c’est un film sur, sur des internes en médecine qui découvrent l’hôpital de Yalgado – Intéressant, il faut parler de l’université, avec tous nos problèmes, c’est pas facile… » La discussion me ramène sur Terre, et me rappelle à mon devoir du moment : aborder un maximum d’étudiants à l’UFR sciences de la santé, écouter ce qu’ils ont spontanément à me dire, me laisser guider par l’intuition pour aller plus loin lorsqu’une parole ou qu’un visage m’attire, observer ce qui se passe ici au quotidien, arpenter ces lieux des journées entières pour m’y sentir comme l’un des leurs. Bref, trouver mes repères.
Mon cher Emilien. C’est passionnant de lire tes notes de « repérages » cette progression vers ton prochain film. Tu m’inspires et participe à maintenir vivace en moi l’exigence et la patience qu’un film documentaire nécessite d’avoir. Je trouve que tu acquiert tout cela avec talent. Poursuis inlassablement cette ligne de coeur qui t’amène vers l’Autre et donnera à ce nouveau film ses visages. Je t’embrasse. Antoine (alias Godfather)
J’aimeAimé par 2 personnes